Une fin sans jour
(2020 - 2021)
Pendant que les écoliers vont à l’école et les travailleurs vont travailler, les étudiants sont emprisonnés.
Durant les confinements engendrés par la pandémie de Covid-19, j’ai suivi et photographié un étudiant de ma résidence universitaire afin de capturer et illustrer les effets de cet isolement sur cette génération, sacrifiée. Sacrifiée parce qu’on a dépourvu de cet étudiant tout ce qui faisait de lui un étudiant. Le trajet vers l’école se réduit à 2,5 mètres, la porte d’entrée ne fait plus office d’entrée ni même de sortie, les écrans deviennent les seuls vecteurs tronqués vers le monde extérieur et les journées se transforment en longues nuits.
La dimension sociale d’abord n’est plus, et ce ne sont pas les webcams éteintes des cours en visio qui vont compenser ce manque relationnel; un relationnel pourtant primordial au développement et à la quête de son futur soi à cet âge.  La dimension scolaire ensuite passe également à la trappe. “Les cours dispensés en distanciel” n’est qu’une formulation fallacieuse pour désigner les diaporamas auditifs dénués de pédagogie. L’avenir, qui semblait déjà incertain pour cet étudiant avant ce grand chamboulement, s’obscurcit désormais jusqu’à ne plus savoir où mettre les pieds. En effet, une autre dimension, celle de la liberté, se voit elle aussi annihilée : qu’il s’agisse de confinement, de couvre-feu ou de limitations dûes à la durée de la sortie ou de l’éloignement autorisé, la vie de cet étudiant se limite aux 4 murs de son appartement, et aux 7 jours de la semaine, qui se suivent et se confondent. Cette douce urgence se traduit par un dépérissement à petit feu, et cette mise à l’écart ne laisse plus que son soi comme seul interlocuteur. Et c’est cette déshumanisation, cette perte de repères et de points d’accroche, qui laisse surgir la question inéluctable : à quoi bon continuer ? La lumière au bout du tunnel s’est éteinte. Isolé, abandonné, ignoré, voire même oublié, cet étudiant ressent tout cela. Je le sais. Car en réalité, cet étudiant, c’est moi-même.